Début septembre, j’ai publié sur ce blog mon avis sur Salade Russe, le dernier roman de Dominique Sabatier. Pour aller plus loin dans la compréhension de ce thriller haletant et percutant, j’ai posé quelques questions à l’auteur. C’est dans ce nouvel article que je partage avec vous ses réponses. Mais avant cela, place au synopsis :
2022 : Étienne Mercantour, journaliste spécialiste des cold cases, reçoit un message dans sa boite mail. En 2019, Jules Damas, un livreur, a été mêlé à un mystérieux fait-divers non résolu. Mais qui est-il vraiment ? Pourquoi a-t-il disparu ? Qui le recherche ? Et d’où vient ce message ? Toutes ces questions lancent Étienne sur une piste dangereuse, celle des services secrets, des groupes armés infiltrés et dans une cascade d’événements dont il ne sortira pas indemne. Un thriller nerveux, sans temps mort, au carrefour du roman d’espionnage et du polar d’action, où les trajectoires d’hommes et de femmes se heurtent, s’allient et se sacrifient.
Salade Russe est le quatrième livre que vous publiez. Pouvez-vous nous en dire plus sur le parcours que vous avez eu jusque-là ?
Oui, c’est incroyable, quatre livres publiés depuis octobre 2019, l’année de ma retraite de médecin généraliste, avec cette ambition de redevenir écrivain professionnel. En effet, au milieu des années 70, j’ai abandonné, au grand soulagement de mes parents, mon activité littéraire (participation à des congrès, édition de fanzines, écriture de nouvelles, etc.) au sein du fandom de science-fiction en France, pour me consacrer entièrement à la médecine. Un choix très fort car je voulais vraiment l’exercer dans ce rôle crucial de médecin de famille. À partir de 2019, comme je ne fais rien à moitié, j’ai réappris ce métier en me donnant toutes les chances possibles pour réussir. Mon premier livre, Le Veilleur de Saint-Louis, a essuyé les plâtres et accumulé les erreurs techniques que l’on pouvait faire. Néanmoins, les lecteurs sont passés outre car ils ont senti que ce récit était d’une grande sincérité et qu’il me ressemblait. C’est ce que j’ai essayé de préserver pour les livres suivants, en améliorant tout le reste et en me constituant peu à peu une vraie équipe de professionnels. Fini le temps de l’écrivain maudit, écrivant seul dans sa soupente et livrant ses chefs-d’œuvre aux mains des éditeurs reconnaissants.
À chaque ouvrage, vous vous renouvelez en expérimentant un autre genre littéraire. Que cela vous apporte-t-il en tant qu’écrivain ?
Je dirais une sorte de légitimité. J’explore un grand nombre de genres pour prouver que je suis capable de me diversifier. Et de le faire bien. La notion de plaisir est très importante dans cette aventure qui peut durer longtemps de la première phrase au mot « Fin ». Deux ans et demi, par exemple, pour Salade Russe. Après deux livres en autofiction romancée et un recueil de nouvelles assez autobiographiques, j’ai voulu renouer avec la fiction pure. Et peut-être surprendre mes lecteurs. Une sorte de défi afin de stimuler ma créativité. Grand amateur de romans et de films policiers, je voulais en écrire un, reprenant de nombreux thèmes en les mettant « à ma sauce ». Un excellent exercice. Une masterclass en temps réel.
Dans Salade Russe, vous évoquez des faits et des personnes qui existent vraiment. Quelle démarche avez-vous suivie pour mêler réalité et fiction ?
C’est à la fois la difficulté et la facilité de ce projet. Difficile car l’histoire dont je m’inspirais se déroulait en temps réel pendant que j’écrivais. La trajectoire sanglante du groupe de mercenaires Wagner, toile de fond du roman, a explosé en cours de rédaction du premier jet. Peut-être avais-je trop de prétention au départ et les faits (le décès de Prigojine) ont contrarié mon plan initial. À l’origine, le livre était très construit. Je me suis servi d’une méthode d’écriture précise qui laissait peu de place à l’improvisation : en gros, je n’avais qu’à remplir des cases. Mais, ironie de la vie réelle, tout a été bousculé par cette disparition soudaine. Il a fallu réorienter le récit vers une intrigue moins ambitieuse : un duel entre un bon (enfin presque) et un méchant (enfin presque), avec des conséquences irrémédiables pour divers personnages gravitant autour. Ce qu’on appelle, dans notre jargon, l’arc narratif principal qui transforme les arc narratifs secondaires. Facile parce que dès que j’ai choisi cette voie de la comédie dramatique, il ne me restait plus qu’à dérouler l’histoire vers une fin désenchantée mais pleine d’espoir.
Salade Russe a beau être un thriller haletant, on y retrouve quand même des protagonistes touchants, sensibles et prêts à croquer la vie à pleines dents. Pourquoi avez-vous mis en scène cette dichotomie entre le côté très sombre de l’intrigue et la lumière que peuvent représenter ces personnages ?
Parce que c’était mon propos. Merci d’avoir si bien lu ce roman. C’est effectivement ce que je voulais faire car la vie est ainsi. Pendant plusieurs années, dans mon métier de médecin, je l’ai constaté. Cette expérience de situations parfois tragiques m’a montré qu’il existait toujours une confiance parfois irrationnelle en l’existence. Laissez-moi vous raconter une anecdote éclairante à ce sujet. Lors d’une de mes gardes de médecin, en début de carrière, j’ai été appelé par les gendarmes à la suite d’un meurtre. Je devais être là et intervenir, si besoin, au moment de l’annonce à une famille de l’assassinat d’un de ses membres. Situation hautement anxiogène, je vous l’accorde. Eh bien, à la fin de cette intervention dont je vous passe les détails, un jeune gendarme s’est approché de moi et m’a dit : « Dites, Docteur, sur votre voiture, n’oubliez pas de changer votre vignette d’assurance ! Ça ira pour cette fois-ci… » . Eh bien c’est ça que j’ai voulu exprimer dans mon récit. Des personnages qui occultent comme ils peuvent leurs angoisses par des réactions soit stupides, soit drôles, en tout cas incongrues. Un trésor pour un écrivain.
Quels sont vos projets pour les mois et années à venir ?
Mettre toute mon énergie pour que Salade Russe soit un succès. Ce qui passe par des dédicaces, des interviews, des rencontres, des présentations dans les librairies, bref tout ce qui fait les joies et devoirs de l’autoédition. Finir mon nouvel ouvrage : une romance. Un genre qui a beaucoup de succès actuellement, alors autant en prendre une petite partie pour moi. Non ? Je plaisante, c’est encore le plaisir qui domine. À la fin de mon premier livre, il y a une scène de romance dont je me suis délecté. Alors je voulais retrouver cette sensation sur un roman complet. Je termine le premier jet et le temps des corrections va commencer le mois prochain. Pour les mois et années suivants, sans doute faire une ou des suites à Salade Russe. Ce devait être un one-shot mais j’ai trouvé les personnages et leur destin tellement forts que j’ai vraiment envie de replonger dans une nouvelle histoire avec eux. Enfin, j’ai dans mes tiroirs un début d’essai sur la médecine générale et la foi, mais j’avoue que je l’ai laissé de côté. C’est un sujet tellement remuant et délicat que je le laisse encore reposer quelque temps.
Je tiens à remercier Dominique Sabatier pour le temps qu’il m’a accordé et pour les anecdotes d’écriture qu’il a partagées avec nous. Pour découvrir ses quatre livres et en apprendre davantage sur son parcours d’auteur, rendez-vous sur sa boutique en ligne, Amazon etLinkedIn. Vous pouvez aussi suivre son actualité en vous inscrivant à sa newsletter, Entre vous et moi.